Il y a dix ans j’amenais en France une cassette vidéo, tournée par Kampe, sur les jeux groenlandais, de Nuuk (esquimautage et jeux de cordes). Ces techniques sont millénaires, mais l’organisation officielle et structurée des compétions date de cette époque. Kampe étant d’ailleurs, ne l’oublions pas, l’un des collecteurs de cette tradition groenlandaise. Internet était à son tout début, peu de kayakistes connaissaient les techniques d’esquimautage du chasseur groenlandais, devenues figures élaborées et très précises. Pendant la compétition un juge arbitre, depuis le bord nomme la technique d’esquimautage, le candidat tente de l’effectuer, et marque un certain nombre de points en fonction de la précision de son geste. Voilà, pour résumer.
Depuis quelques temps, le monde occidental, s’est approprié l’esquimautage du chasseur groenlandais et la tradition est devenue chez nous une mode. Les kayaks de chasse en bois et toile fleurissent partout, et je ne parle pas des pagaies en bois de type groenlandais. Evidemment, les matières sont nobles le toucher chaleureux, évidemment.
Au printemps dernier en discutant avec Kampe, de vive voix et récemment par email, il s’étonnait de voir cette prolifération de kayaks traditionnels en France, construits par des occidentaux, pour des occidentaux. Les premiers n’ayant bien souvent jamais été au Groenland ne serait-ce que pour vérifier l’adéquation de leur travail avec la source même. Pourquoi faire?
Kampe est bien sûr fier de voir son travail faire des petits chez l’homme blanc, mais il reste persuadé que « l’Européen a les genoux trop gros » pour le kayak traditionnel. Kampe était fier, assis sur les cailloux du Coz Pors d’enseigner l’art de la pagaie, mais le soir même il me disait: « ne nous singez pas ».
Que les techniques d’esquimautage groenlandaises soient pour nous un jeu, tant mieux, que ça devienne un truc sérieux fait par des gens qui se prennent au sérieux, voire une institution, c’est tout autre chose. Et à grand renfort de termes techniques en groenlandais s’il vous plait, en jolie tenue traditionnelle de kayak, anorak et jupette cousus ensemble, pour une eau quand même à 18°C, et avec la jolie pagaie bois qui va bien. Il paraît même que la pagaie en bois de type groenlandais, est plus efficace que nos pagaies modernes, comme celle que j’utilise tous les jours. L’autre jour un gars sur l’eau m’a même expliqué la provenance de sa pagaie et pourquoi il l’utilisait et dans quel esprit. C’était très intéressant…. En février, si je vais au ski, je pense que je prendrai des skis en bois, c’est tellement plus joli et puis pour se la péter à Méribel ‘y a pas mieux.
Bien sûr le kayakiste en kayak traditionnel a adapté son matériel à son type de navigation. déjà il a adapté son hiloire à ses genoux d’occidental, pourquoi s’arrêter. L’esquimau est bien sympa, mais on peut quand même améliorer certaines choses. Alors il modifie les formes du bâteau, modifie la forme de sa pagaie, pour la rendre plus efficace. Soyons patients, il est probable que dans quelques dizaines d’années, en évoluant de la sorte, il inventera le polyester ou le carbone kevlar, qui sait?