Je pagaie. Soyez patient ...

Aux aléoutiennes… Texte Laurence Hérissard

Je n’avais jamais entendu parler des îles Aléoutiennes avant de m’intéresser au kayak et par conséquent aux Aléoutes.

Mes premiers coups de pagaies aléoutes sont magiques, inoubliable, ça y est, j’y suis, c’est presque irréel. Je vais pendant un mois naviguer là où les Aléoutes, les précurseurs du kayak, ont plongé leurs pagaies des milliers de fois. Je commence à réaliser la chance que nous avons. Je navigue en silence comme pour ne pas troubler ces merveilleux instants. J’avais envie d’être en symbiose avec Dame Nature ; ne pas la troubler, la déranger. Elle nous accueille. Cette nature sauvage, libre sans empreinte d’homme !

La magie opère tout au long de l’expédition, malgré des conditions climatiques souvent difficiles et hostiles La beauté des paysages, la présence journalière des mammifères marins, les milliers d’oiseaux, la navigation sur la mer de Béring et sur l’intimidant océan Pacifique me font « oublier » la pluie, le brouillard, le vent, le froid. Tout est difficile ici. Rien ne doit être fait au hasard, dans l’urgence, à moitié ou à peu près ; sinon nous mettrions nos vies en danger. Je pense alors à la vie des Aléoutes, à leur survie dans ces contrées rudes.

Les Aléoutiennes m’intéressaient aussi pour la richesse de leur fauve et tout particulièrement les loutres. Ce petit mammifère marin me fascine. J’ai été comblée, nous en avons observé tous les jours. Très souvent en groupes, les mères avec leurs petits, elles semblent passer leur temps à jouer. Très attentives à nos gestes, il n’est pas question qu’elles se laissent approcher. Avant d’être protégées, les loutres ont été massacrées par les hommes. Je les ai « mitraillées » de photos pour mon plus grand bonheur !

Nous passons notre temps à pagayer. Le rythme des journées reste inchangé tout au long de l’expédition. On pourrait croire ce rythme monotone, mais c’est évidemment tout le contraire.

Le matin nous plions le camp et embarquons dans nos kayak. Les éléments naturels sont là pour casser toute monotonie. La navigation est étudiée et adaptée avant chaque départ ; lorsque les perturbations climatiques ne nous clouent pas à terre. Les coups de pagaie nous font progresser et nous permettent de découvrir de nouveaux paysages ou bien d’approcher les animaux. Plus nous passons du temps sur l’eau et plus nos yeux apprennent à voir réellement, à observer. Je suis convaincue de ne pas avoir vu la moitié des animaux qui nous ont croisés !

Arrive le soir, et le choix pratique du campement : de l’eau douce à proximité, du bois, être à l’abri du vent en cas de tempête…J’apprécie la présence des nombreux amas de bois flotté qui nous permettent d’allumer de gigantesques feux pour nous réchauffer, sécher les vêtement, cuisiner les poissons pêchés et brûler nos déchets. Et enfin, regagner nos sacs de couchage. Le bonheur d’être au chaud et au sec, un luxe !

Et puis poser le pied à terre, marcher sur une plage, une crique, une anse où peut-être personne depuis longtemps n’est venu. Qui fut la dernière personne, le dernier groupe d’hommes à s’y être arrêté ? Et depuis quand ? Comment expliquer cette grisante sensation ? Cette pensée m’a très souvent émue. Quel immense privilège avons-nous !

J’ai quitté les Aléoutiennes, mais mon voyage est loin d’être fini ! Les images, les souvenirs sont ancrés dans ma  tête et mon cœur. Ce n’est plus un rêve mais une réalité. Et cette réalité me fait rêver…

Photos Jean-Louis Simon

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