Le Titanic coule par beau temps en 1912, il y a 1 489 morts. L’eau est à 0°C, les secours arrivent 1h50 après le naufrage.
Le Lakonia coule en 1963 au large de Madère par une mer calme à une température de 17 à 18°C. A l’arrivée des secours, 3 heures après le naufrage, 113 personnes sur les 200 qui s’étaient jetées à l’eau furent retrouvées mortes.
Contrairement à une idée reçue le risque majeur du kayakiste après un chavirage, n’est pas la noyade, mais bien l’hypothermie.
Mais qu’est ce que l’hypothermie ?
Le temps de survie dans l’eau à 18°C n’est que de 3 heures pour plus de 50% des gens. Or 66% de la surface des océans est à une température inférieure à 25°C dont 47% en dessous de 20°C. En Bretagne en hiver, la température de l’eau est entre 8 et 10°C et n’est supérieure à 15°C que pendant 2 mois en été.
En immersion, le corps perd de sa chaleur beaucoup plus vite dans l’eau que dans l’air, et plus encore si l’eau est en mouvement, ou que la personne chavirée bouge.
Le corps perd de sa chaleur par : convection, conduction, radiation et évaporation.
L’échange thermique se fait entre le corps et le fluide en mouvement (air ou eau) qui est à température plus basse que le corps. Cet échange obéit à la loi de Newton. La quantité de chaleur abandonnée par un corps chaud à un environnement froid, dans lequel il se trouve est proportionnelle à la différence de température entre le corps et cet environnement. De plus, cette quantité de chaleur abandonnée par le corps dépend d’un coefficient d’échange thermique en rapport avec les caractéristiques physiques du fluide et augmente avec la vitesse du fluide. Ce coefficient est beaucoup plus élevé pour l’eau que pour l’air et sa valeur augmente avec les mouvements de l’eau (courants, vagues, mouvements provoqués par la nage) Donc :
La perte de chaleur est plus rapide dans l’eau que dans l’air.
La perte de chaleur est d’autant plus grave que la différence de température entre le corps et l’eau est grande.
La perte de chaleur est plus importante lorsque l’eau est en mouvement et que le sujet bouge.
C’est l’échange thermique qui se fait avec un support matériel sans mouvement de matière. La chaleur se transmet à travers le milieu liquide, solide ou gazeux en contact avec le corps. Les métaux sont généralement bon conducteur de la chaleur alors que l’air est mauvais conducteur. L’eau est meilleur conducteur que l’air.
Le corps se comporte comme un radiateur qui chauffe une pièce.
Entraîne une perte de chaleur.
Les mécanismes du refroidissement
On peut considérer d’un point de vue thermique que l’homme est formé d’un noyau qui doit rester idéalement à 37°C et qui contient les organes vitaux (cerveau, appareil digestif, appareil respiratoire, le cœur). Ce noyau est entouré d’une enveloppe qui peut voir sa température varier. Elle se compose des membres avec leurs muscles et de l’épiderme. Cette enveloppe va servir de tampon entre le noyau et le milieu extérieur. La liaison enveloppe/noyau se faisant par le sang.
La nature veut que la température interne du corps soit maintenue au niveau optimal de 37°C. L’homme maintient cette température constante grâce au mécanisme physiologique de la thermorégulation. Un réseau de vaisseaux sanguins transporte la chaleur produite à l’intérieur du corps et la distribue dans tout le corps.
Quand il fait chaud les vaisseaux sanguins à fleur de peau se dilatent pour laisser affluer davantage de sang vers la couche externe et augmenter la perte de chaleur du corps. C’est la vasodilatation.
Quand il fait froid, les vaisseaux sanguins périphériques se contractent et limitent l’afflux sanguin sur la couche externe et diminuent ainsi la perte de chaleur du corps. C’est la vasoconstriction.
L’eau froide représente un milieu agressif du point de vue thermique.
Pour lutter contre le refroidissement et tenter de maintenir sa température centrale, le corps va utiliser la vasoconstriction.
L’organisme va ainsi utiliser pour se défendre du froid : le frisson.
Le frisson est un réflexe qui augmente la production de chaleur (de 4 à 5 fois par rapport au repos). Cette production de chaleur ne peut être maintenue trop longtemps car les réserves de l’organisme s’épuisent vite.
Le frisson disparaît quand la température du corps est de 31/32°C pour faire place à une rigidité musculaire. Rigidité qui perdure jusqu’à environ 27°C. Ensuite le corps continue à se refroidir…
Prévention.
Il faut prendre très au sérieux les risques d’hypothermie. La fatigue, la déshydratation, la faim, le vent et la température de l’air et le stress, constituent des facteurs aggravants en cas de dessalage d’un kayakiste.
Vêtements, technique et entraînement sont les meilleurs moyens d’éviter l’hypothermie.
Ils ne réchauffent pas le corps. Le corps est chauffé par la chaleur qu’il produit. L’objectif des vêtements sera d’être une couche qui isole et conserve le plus possible la chaleur du corps.
Les 3 couches :
La couche à même la peau qui doit allier une bonne évacuation de la transpiration et un séchage rapide.
La deuxième couche qui joue un rôle d’isolation thermique, elle emmagasine la chaleur du corps tout en évacuant la transpiration. Cette couche peut être plus ou moins épaisse en fonction de la température extérieure.
La troisième couche sera imperméable, si possible « respirante » et plus ou moins épaisse en fonction des conditions de vent et de température : c’est l’anorak (qui doit être équipé d’une capuche)
Bonnet, cagoule ou casquette s’avèrent indispensables par grands froids.
La combinaison sèche, remplace la troisième couche et en cas de dessalage le corps n’est pas mouillé et le refroidissement est donc ralenti. Il existe beaucoup de modèles sur le marché.
Plus le kayakiste aura une technique éprouvée moins il aura de risque de se trouver en difficulté. L’art du kayakiste de mer est de pouvoir anticiper et prévoir les conditions de navigation. Il faut pratiquer souvent les méthodes de récupération, de remorquage et être en bonne condition physique.
En cas de séjour dans l’eau d’un kayakiste il est nécessaire d’avoir à bord :
Le tableau ci-dessous, montre l’évolution de l’hypothermie.
Phase | Neuro. | Pneumo | Cardio. | Muscle et peau |
Phase d’excitation. | Hyper excitabilité | Augmentation de la respiration | Augmentation des pulsations | Frisson Vasoconstriction Pâleur Mains froides |
Phase d’adynamie | Confusion Perte de mémoire désorientation | Baisse respiratoire | Baisse du nombre de pulsations | 31°C disparition du frisson rigidité gêne respiratoire. |
Phase de torpeur | Coma Pupilles dilatées | Respiration faible Parfois arrêt | Baisse encore des pulsations | < 27°C plus de rigidité refroidissement passif |
Premiers soins.
Un kayakiste naufragé rapidement récupéré est souvent en état d’hypothermie légère. Il est conscient mais un peu déstabilisé. Il ne doit pas repartir seul trop vite, il est nécessaire de le garder en radeau et de remorquer le radeau. Il faut le rassurer. Il peut boire une boisson chaude. Attention au deuxième dessalage, toujours possible.
Un kayakiste naufragé qui a séjourné dans l’eau un peu plus longtemps, va être récupéré dans un état d’hypothermie important. Il a un état de conscience confus avec des pertes de mémoires et une désorientation. A ce stade d’hypothermie, il faut agir vite : remettre le naufragé dans son kayak, rester en radeau avec lui et remorquer le radeau, aller à terre le plus vite possible. A terre, si on a la possibilité d’être à l’abri, ne pas hésiter à changer le naufragé avec des vêtements secs. Surtout ne pas le frictionner. Le laisser se réchauffer tranquillement. Ne pas lui donner à boire. Entourer et garder au chaud le naufragé. Se méfier d’un retour rapide du naufragé à un état normal.
Un kayakiste naufragé, qui est récupéré en état d’hypothermie profonde a perdu conscience. Le mettre sur un radeau de 2 kayaks, si possible dans un sac de survie et lui couvrir la tête et le cou. Prévenir le CROSS (à la VHS message d’urgence : PAN. PAN)
Aller à terre et faire en sorte que le naufragé perde le moins possible de chaleur. Pas de massage, pas de friction, pas de boisson. Ne pas hésiter à monter une tente, protéger le naufragé au maximum du froid, avec sac de couchage, couverture de survie… Surveiller en permanence le naufragé et éviter de le déplacer.
Une victime en hypothermie peut avoir un rythme cardiaque très lent (un coup par minute) et peut même être en état de mort apparente (arrêt cardiaque, pupilles dilatées, arrêt respiratoire)
et être ramenée à la vie. Il ne faut pas abandonner trop vite.
En cas de séjour dans l’eau.
Tout élément qui réduit la perte de chaleur du corps retarde l’hypothermie et prolonge le temps de survie.
Se couvrir la tête et le cou et éventuellement les mains
Ne pas essayer de nager, la nage sans but aggrave inutilement l’hypothermie
S’enfiler dans un sac de survie et autant que possible rester en position fœtale
La volonté de vivre compte beaucoup. Il faut durer et tenir.